Prostitution en Thaïlande : cadre juridique, application et réforme

Avocats discutant d’un dossier juridique sur la prostitution en Thaïlande

Comprendre le cadre juridique applicable à la prostitution en Thaïlande

Toute personne ou société exposée aux risques juridiques liés à l’industrie de la prostitution en Thaïlande doit savoir que, bien que très répandue dans la pratique, la prostitution est soumise à un régime juridique clair et restrictif. En vertu de la législation thaïlandaise, la vente ou l’achat de services sexuels reste illégale et une responsabilité pénale peut être engagée pour un large éventail de comportements associés. Ces règles juridiques s’appliquent non seulement aux ressortissants thaïlandais, mais également aux ressortissants étrangers résidant ou séjournant dans le royaume, ainsi qu’à toute entreprise pouvant être directement ou indirectement liée à une activité interdite.

Le cadre applicable repose sur trois piliers principaux : la loi sur la prévention et la répression de la prostitution B.E. 2539 de 1996, certaines dispositions du Code pénal thaïlandais et la loi sur la lutte contre la traite humaine B.E. 2551. Ensemble, ces instruments définissent le statut juridique de la prostitution, établissent des sanctions pour diverses infractions et prévoient des protections spécifiques dans les cas de coercition, de traite ou impliquant des mineurs. Malgré la clarté apparente de ces textes, leur application reste incohérente et l’interprétation de certaines dispositions clés manque d’uniformité.

D’un point de vue strictement juridique, il est essentiel de comprendre la portée des infractions définies dans la loi de 1996, l’étendue de la responsabilité en vertu du Code pénal et l’interaction entre les deux avec le régime de lutte contre la traite. Il est tout aussi important de connaître les obligations procédurales découlant du Code de procédure pénale, notamment les questions relatives à la preuve, à la compétence et au pouvoir discrétionnaire des juges. L’insécurité juridique peut exposer les individus à des poursuites pénales, à l’expulsion ou à des sanctions administratives, même lorsque leurs actes n’impliquent pas une participation directe à la prostitution.

Parallèlement, le ministère du Développement social et de la Sécurité humaine a proposé le projet de loi sur la protection des travailleurs du sexe, qui vise à remplacer la loi de 1996. S’il est adopté, ce texte établirait un cadre réglementé pour le travail sexuel consensuel entre adultes tout en maintenant des interdictions strictes en matière d’exploitation et de traite. Tant que ce projet de loi est à l’étude, les lois actuelles restent pleinement applicables.

Table des matières

Cadre juridique historique et actuel de la prostitution en Thaïlande

  • Loi sur la prévention et la répression de la prostitution B.E. 2539

La prostitution en Thaïlande est principalement régie par la loi sur la prévention et la répression de la prostitution B.E. 2539. Cette loi interdit la vente et l’achat de services sexuels dans les lieux publics. L’article 6 criminalise les personnes qui offrent des services sexuels en public, tandis que l’article 7 vise celles qui se livrent au proxénétisme, gèrent ou tirent profit de telles activités.

Les sanctions varient en fonction de l’implication de mineurs, de la contrainte ou de l’existence de réseaux organisés. La législation prévoit des peines réduites pour les travailleurs du sexe eux-mêmes et impose des sanctions aggravées aux exploiteurs. L’article 8 punit les clients de mineurs et l’article 9 prévoit des peines d’emprisonnement sévères dans les cas impliquant des victimes mineures.

Cette loi reste le principal texte juridique régissant la prostitution et n’a pas été remplacée ou abrogée à la date de rédaction du présent document.

  • Le Code pénal (articles 286 et 287)

Bien que le Code pénal thaïlandais ne contienne pas d’interdiction générale de la prostitution, il comprend plusieurs dispositions relatives à sa répression. L’article 286 érige en infraction le fait de tirer profit des revenus d’une personne se livrant à la prostitution. L’article 287 punit les personnes qui produisent, détiennent ou diffusent des matériels obscènes dans le but d’en tirer profit.

Ces dispositions complètent la loi de 1996 et renforcent l’illégalité des activités commerciales liées à la prostitution, en particulier lorsque des tiers tirent profit du travail sexuel d’autrui.

  • Loi n° B.E. 2551 contre la traite humaine

La loi ° B.E. 2551 contre la traite humaine a été promulguée afin de permettre à la Thaïlande de remplir ses obligations au titre des traités internationaux, en particulier le Protocole de Palerme. Cette loi criminalise toutes les formes de traite des êtres humains, y compris à des fins d’exploitation sexuelle.

L’article 6 interdit le recrutement, le transport ou l’accueil de personnes par la contrainte, la tromperie ou l’abus de pouvoir à des fins d’exploitation. Il est important de noter qu’il permet de poursuivre les auteurs même si la victime a initialement donné son consentement.

Cette loi joue un rôle central dans la lutte contre la prostitution forcée, qu’elle distingue du travail sexuel consensuel entre adultes en vertu du droit thaïlandais.

Application des lois sur la prostitution en Thaïlande

Compétence juridictionnelle en vertu des lois sur la prostitution en Thaïlande 

Les tribunaux pénaux thaïlandais sont compétents pour connaître de toutes les infractions commises sur le territoire du Royaume, y compris celles définies dans la loi de 1996. Dans la pratique, la compétence est exercée par le tribunal provincial ou le tribunal pénal de Bangkok, selon le lieu où l’infraction présumée a été commise.

Lorsque l’auteur de l’infraction est un ressortissant étranger, des procédures d’immigration supplémentaires peuvent s’appliquer. Si l’infraction concerne un travailleur étranger sans papiers, l’expulsion peut suivre la condamnation pénale en vertu de la loi sur l’immigration B.E. 2522.

Traitement procédural en vertu des lois sur la prostitution en Thaïlande

Les poursuites pour infractions liées à la prostitution suivent la procédure pénale standard en vertu du Code de procédure pénale thaïlandais. Les enquêtes policières nécessitent des preuves de racolage, de gestion de maison close ou d’exploitation au sens de la loi de 1996.

L’article 131 du Code de procédure pénale régit la collecte des preuves dans de tels cas. Les preuves peuvent inclure des témoignages, des surveillances ou des aveux. Les tribunaux ont toute latitude pour interpréter la crédibilité des preuves, en particulier lorsque les aveux ont pu être obtenus sous la contrainte.

Sanctions et responsabilité en vertu des lois thaïlandaises sur la prostitution 

Les sanctions pour violation des lois thaïlandaises sur la prostitution vont des amendes administratives à l’emprisonnement. L’article 6 de la loi de 1996 prévoit des amendes ne dépassant pas 1 000 bahts pour les travailleurs du sexe individuels. En revanche, l’article 7 prévoit une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à sept ans pour ceux qui se livrent au proxénétisme ou à l’exploitation d’autrui.

Des peines aggravées s’appliquent aux infractions impliquant des mineurs. En vertu de l’article 9, les personnes qui facilitent la prostitution d’une personne de moins de 18 ans sont passibles d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 10 ans. Si la personne est âgée de moins de 15 ans, la peine est alourdie, ce qui reflète la gravité juridique de la prostitution enfantine.

Le Code pénal (article 286) punit les personnes qui vivent des revenus de la prostitution d’une peine d’emprisonnement maximale de sept ans et d’une amende. Des peines cumulatives peuvent être appliquées lorsque les infractions relèvent de plusieurs lois.

Obtenez des conseils juridiques d’experts.

Les défis juridiques posés par la législation sur la prostitution en Thaïlande

Incohérence dans l’interprétation et l’application des lois 

Malgré la clarté des dispositions légales, l’application de la législation thaïlandaise en matière de prostitution reste incohérente. Les forces de l’ordre disposent d’un large pouvoir discrétionnaire en matière de descentes, d’arrestations et de décisions de mise en accusation. Cela conduit à une imprévisibilité des poursuites et des décisions judiciaires.

Il n’existe pas de politique centralisée pour classer les lieux comme maisons closes ou établissements de divertissement, ce qui entraîne une insécurité juridique. De plus, l’absence de lignes directrices réglementaires sur la distinction entre le travail du sexe illégal et les pratiques commerciales tolérées crée une ambiguïté interprétative.

Absence de jurisprudence uniforme 

Les tribunaux thaïlandais ne fonctionnent pas selon un système de précédents contraignants. Par conséquent, les interprétations judiciaires des mêmes dispositions légales peuvent varier d’un cas à l’autre. Ce manque d’uniformité affecte la prévisibilité et la stabilité des litiges liés à la prostitution.

En outre, certaines décisions judiciaires reposent sur des considérations morales implicites plutôt que sur des principes juridiques, en particulier dans les affaires impliquant des défendeurs étrangers. Cela nuit à la sécurité juridique et peut conduire à des décisions arbitraires.

Le projet de loi visant à réformer la législation sur la prostitution en Thaïlande

Cadre du projet de loi 

Afin de combler les lacunes du cadre existant, le ministère du Développement social et de la Sécurité humaine a élaboré un projet de loi sur la protection des travailleurs du sexe. Le projet de loi vise à abroger la loi de 1996 et à mettre en place un régime juridique moderne qui distingue le travail sexuel consensuel entre adultes de la conduite abusive.

La loi proposée vise à dépénaliser le travail sexuel consensuel entre adultes, à introduire des mécanismes d’octroi de licences et à mettre en place une surveillance réglementaire. Elle est conçue pour aligner la Thaïlande sur ses obligations au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et à la lutte contre la traite humaine.

Principales dispositions du projet de loi

Le projet de loi définit le travail du sexe comme une forme de travail indépendant. Il fixe à 18 ans l’âge minimum pour les travailleurs du sexe et leurs clients. Il criminalise la traite, l’exploitation et la prostitution forcée, tout en maintenant l’approche punitive à l’égard de ceux qui enfreignent ces normes.

Des dispositions sont également prévues pour réglementer l’exploitation des lieux de travail du sexe par le biais d’un système d’octroi de licences et pour imposer des obligations administratives aux exploitants. Le projet de loi prévoit la création d’agences spécialisées chargées de veiller au respect de la loi et d’offrir des recours juridiques en cas de violation des droits.

Si elle est adoptée, cette réforme représenterait un changement substantiel dans la législation thaïlandaise sur la prostitution, marquant une transition de la répression à la réglementation. Il est important de noter qu’elle maintiendrait le pouvoir de l’État de poursuivre les auteurs de traite tout en supprimant les sanctions pénales pour les actes consensuels.

Conclusion

Jusqu’à l’adoption du projet de loi, la loi de 1996 et les textes connexes restent applicables. Les particuliers et les entreprises doivent se conformer strictement à la législation en vigueur. Toute activité pouvant être interprétée comme facilitant la prostitution peut entraîner des poursuites pénales.

Les ressortissants étrangers exerçant une activité commerciale en Thaïlande doivent s’assurer que leurs activités ne relèvent pas du champ d’application des articles 6 à 9 de la loi de 1996 et ne violent pas le Code pénal ou la loi contre la traite humaine. Il est recommandé de consulter un avocat avant d’ouvrir ou d’investir dans une entreprise susceptible d’être considérée comme opérant dans le secteur du divertissement ou de l’hôtellerie, où des services sexuels peuvent être sollicités.

FAQ 

Non. En vertu de la loi sur la prévention et la répression de la prostitution B.E. 2539, la vente et l’achat de services sexuels demeurent interdits, même si cette pratique est répandue dans certaines zones touristiques. Les travailleurs du sexe comme les clients peuvent être poursuivis et sanctionnés.

Oui. Les étrangers sont soumis aux mêmes lois que les ressortissants thaïlandais. En cas de condamnation, ils risquent, en plus des sanctions pénales, des mesures administratives telles que l’expulsion ou l’interdiction de territoire en vertu de la loi sur l’immigration B.E. 2522.

Oui. Un propriétaire ou exploitant peut être poursuivi s’il autorise sciemment l’utilisation des locaux de sa société pour la prostitution ou s’il en tire un bénéfice direct ou indirect. Les peines prévues peuvent inclure des amendes importantes et des peines de prison en vertu de l’article 7 de la loi de 1996 et de l’article 286 du Code pénal.

Oui. Un projet de loi sur la protection des travailleurs du sexe est actuellement à l’étude. Il vise à légaliser et encadrer le travail sexuel consenti entre adultes par un système de licences et de contrôle administratif, tout en maintenant des sanctions strictes pour la traite, l’exploitation et la prostitution forcée. Ce texte n’est toutefois pas encore entré en vigueur.